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Les 5 clés de la réussite de la négociation du BEFA hôtelier pour le bailleur

Date de publication : 12.01.21

baux commerciaux . droit commercial . droit des affaires . hôtellerie . restauration . tourisme

la négociation du BEFA hôtelier

Christopher Boinet Anne Epinat

Dans l’immobilier de loisirs, le bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) est plus que jamais d’actualité.

Le BEFA a été créé de la pratique par des professionnels du droit immobilier. Il permet de concilier les intérêts juridiques et financiers de trois acteurs distincts : le promoteur-vendeur, l’investisseur-bailleur et l’utilisateur-preneur.

En résumé, l’investisseur-bailleur se place au centre du BEFA. Il est propriétaire du terrain / de locaux ou négocie une vente en l’état futur d’achèvement et traite avec le promoteur qui lui construit un ouvrage hôtelier ou accomplit de lourds travaux de rénovation pour son compte. Parallèlement, l’investisseur-bailleur donne en location le bâtiment dans le cadre d’un BEFA à l’utilisateur-preneur, qui va y créer un fonds de commerce hôtelier après l’achèvement des travaux de construction ou rénovation.

Matériellement, le BEFA s’articule traditionnellement en deux parties : la première partie vise la phase de construction ou de rénovation. La seconde partie vise les conditions générales et particulières du bail conclu avec l’exploitant de l’hôtel.

Le recours au bail civil : de façon habituelle, le BEFA est un bail commercial, mais rien n’interdit de conclure un BEFA régi par le Code Civil. C’est le cas notamment lorsque l’investisseur ne détient lui-même que des droits limités sur l’immeuble loué, tirés par exemple d’un bail emphytéotique qui interdit la sous-location commerciale.

Dans le secteur hôtelier, l’investisseur-bailleur sera attentif aux cinq points clés de ce contrat complexe et risqué qui va l’engager sur le long terme avec son preneur.

1 – De l’intérêt de formaliser ses rapports avec le preneur dès le début de l’opération

C’est en général le bailleur hôtelier qui a l’initiative du term-sheet/de la LOI et qui présente ensuite le projet de BEFA au preneur à bail.

Le term-sheet, préparé en amont de l’opération immobilière, permet d’arrêter les points clés de la transaction qui devront être développés entre les parties dans le projet de BEFA hôtelier et ses annexes, notamment plans, comptes prévisionnels, budget FF&E, garanties, assistance technique…. Dès cette première étape, les parties tenteront d’être le plus précis possible sur la définition matérielle du projet hôtelier (nombre de chambres, standing, restauration, espaces-services …), sur l’investissement matériel, technique et économique, et les attentes et contributions notamment financières de chacun au projet.

Compte tenu des enjeux financiers importants en cause, le bailleur va s’assurer du dépôt du permis de construire purgé de tout recours.

Les parties ont intérêt également à prévoir dans le term-sheet un calendrier pour la négociation et/ou conclure concomitamment une convention d’assistance technique permettant un contrôle des travaux de construction et d’aménagement de l’hôtel par le preneur à bail (et son franchiseur hôtelier le cas échéant, avec son cahier des charges).

2 – Les points incontournables de la négociation comme le calcul ajusté du prix du loyer, des charges, du Capex et l’évaluation des garanties

L’enjeu de la négociation du loyer : le BEFA hôtelier doit nécessairement comporter une clause relative au montant du loyer.

Pour le bailleur hôtelier, l’un des enjeux essentiels est d’adapter son financement avec le loyer attendu et ses charges. Le bailleur va s’accorder avec son locataire sur un loyer (linéaire ou non, fixe et/ou variable à négocier). En pratique, les deux parties confrontent le compte d’exploitation prévisionnel du locataire et celui dressé par les consultants du bailleur, en respectant un taux d’effort [1] raisonnable appliqué à l’hôtel.

Le critère du taux d’effort : Si cette notion de taux d’effort n’est pas prise en compte lors de la fixation du loyer, le bailleur investisseur risque à terme de se retrouver confronté à une défaillance de l’exploitant.

Le locataire ne sera plus en mesure de payer le loyer contractuellement fixé sur la base duquel le bailleur a déterminé ses propres engagements économiques (emprunts bancaires ou CBI) et une éventuelle rentabilité.

La négociation intégrera également le Capex et la répartition entre les parties du coût des travaux, des charges et des mises aux normes hôtelières [2]. Dès lors, le montant du loyer doit être déterminé, en tenant compte de différents facteurs comme l’évolution du loyer en fonction des indices, tels que l’indice des loyers commerciaux, les taux d’amortissement des constructions mais également la nature des points de vente (hébergement, restauration, spa) et la charge de loyer applicable à chacun en fonction des marges anticipées.

Il est également prudent pour le bailleur de préciser dès le stade du term-sheet que le loyer sera actualisé entre la date de signature du bail et sa date de prise d’effet, dès lors qu’entre les deux, le délai des travaux de construction ou de rénovation lourde peuvent dépasser les deux à trois ans.

Enfin, le bailleur hôtelier peut être amené à consentir pendant les deux ou trois premières années du bail une réduction temporaire du loyer contractuel, sous forme de franchise, pour accompagner la création du fonds de commerce hôtelier et la montée en puissance de l’exploitation du preneur à bail.

Dans le cadre de la rénovation lourde d’un hôtel qui a déjà fait la preuve de ses performances, le loyer peut être fixé exclusivement sous la forme d’un loyer variable. Un tel loyer peut être envisagé notamment si le locataire s’appuie sur un franchiseur d’envergure internationale. Ce mode de calcul du loyer est cependant peu compatible avec les impératifs économiques et financiers du bailleur relatifs à l’amortissement fixe de ses investissements.

La tendance actuelle privilégie un Loyer Minimum Garanti (LMG), visant à sécuriser la rentabilité de l’investissement, ainsi qu’une part de loyer variable indexée sur le chiffre d’affaires.

L’âpre négociation des garanties dans les BEFA hôteliers : le bailleur exigera de son preneur des garanties du paiement régulier des loyers. Nous nous référons à cet égard à notre article sur « l’âpre négociation des garanties dans les BEFA hôteliers ». [3]

En synthèse, en garantie d’une bonne exécution du bail, le bailleur sollicitera du preneur un dépôt de garantie couvrant souvent plus de 6 mois de loyers, ainsi qu’une caution notamment bancaire ou une garantie à première demande d’un montant significatif, visant à faire face à un éventuel défaut de paiement de loyers et charges. Il s’agit là de garanties usuelles en matière de bail.

Il n’est pas rare que les parties conviennent d’une dégressivité des garanties en cours de bail, alors que le risque de défaillance du preneur hôtelier est généralement plus important au cours des premières années d’exploitation, puisqu’il s’agit pour le preneur de créer un fonds de commerce hôtelier, sans être assuré de la réussite de son projet hôtelier.

Le «round» de négociation portera sur la date de délivrance de ces garanties : le bailleur sollicitera en effet leur remise à la date de signature du BEFA, alors que les obligations du preneur couvertes par ces garanties ne prendront effet qu’après la livraison des locaux à la fin des opérations de construction/rénovation de l’hôtel.

Comme le précise l’article sur « l’âpre négociation des garanties dans les BEFA hôteliers », la garantie dite « de bonne venue » vise pour sa part à couvrir le risque pour le bailleur d’une rupture du contrat par le futur exploitant avant la prise d’effet du bail. Or, c’est en considération de la signature du BEFA et de la certitude qu’un opérateur hôtelier va prendre l’exploitation en charge que le bailleur-investisseur va engager des coûts importants dans la construction ou la rénovation lourde d’un hôtel. La garantie « de bonne venue » négociée sera ainsi acquise au bailleur si le preneur ne donne pas suite au bail à l’issue des travaux.

Le montant de cette garantie est d’autant plus justifié qu’il est en cohérence avec le préjudice effectif subi par le bailleur-investisseur du fait notamment de la nécessité de chercher un nouveau preneur, de l’absence de paiement des loyers pendant cette période de recherche, et des éventuels travaux de configuration et d’aménagement demandés par le nouveau locataire.

On observe souvent des positions de principe du bailleur sur les garanties demandées mais une négociation pragmatique devra prévaloir. Ce point étant sensible, le bailleur renvoie souvent la discussion sur cette question à la fin des négociations.

3 – Les enjeux financiers et pratiques de la clause portant sur l’aménagement et le financement des FF&E

Les FF&E couvrent traditionnellement les agencements et équipements de l’hôtel ; ils constituent les éléments mobiles indépendants de l’immobilier qui pourront être détachés sans détérioration. Les FF&E représentent une charge significative de l’aménagement de l’hôtel, qui incombe normalement au preneur, propriétaire du fonds de commerce hôtelier, lequel est chargé de le meubler et de l’équiper. La charge financière des FF&E est négociable entre bailleur et preneur.

L’organisation de l’installation des FF&E par le locataire à la fin des travaux de construction ou de rénovation peut s’avérer compliquée : l’achèvement matériel de l’ouvrage hôtelier est réalisé, mais le bail ne peut pas prendre effet tant que les locaux n’ont pas été aménagés et meublés [4]. Régulièrement, des travaux de finition à la charge du bailleur – constructeur ne peuvent être exécutés qu’après l’installation des FF&E.

Les parties ont intérêt à prévoir avec précision comment les travaux d’agencement et d’équipement s’intègreront dans les travaux de construction ou de rénovation lourde avec l’aménagement juridique complexe des responsabilités alternatives ou cumulées des différents prestataires intervenant sur le chantier.

Pour simplifier cette phase, certains propriétaires hôteliers choisissent de prendre à leur charge les travaux FF&E d’origine, en concertation avec le preneur, afin de les intégrer à l’ensemble des prestations assurées par le bailleur pour pouvoir livrer un hôtel « prêt à l’emploi », de sorte que le bail hôtelier puisse prendre effet dès que l’achèvement de l’immeuble est constaté.

Bien entendu, ces prestations assumées par le bailleur aux lieu et place du preneur peuvent être remboursées à terme pas le locataire ou avoir une incidence sur le montant du loyer. Dans tous les cas, le bailleur s’assurera que des dispositions du contrat de BEFA prévoient que le renouvellement et l’entretien des FF&E sont exclusivement à la charge du preneur.

4 – L’encadrement impératif des délais de construction pour la livraison de l’ouvrage hôtelier dans le respect des délais du BEFA

Le contrat de BEFA hôtelier est un montage qui s’inscrit dans la durée et qui repose sur plusieurs étapes : la réalisation des travaux, leur achèvement, la réception, la livraison, la mise à disposition de l’ERP hôtelier. Le bailleur est invité à annexer au contrat de BEFA hôtelier un calendrier précisant chacune de ces étapes. Il peut être pertinent d’y joindre des plans et de prévoir des pénalités de retard pour responsabiliser les différents intervenants à l’opération.

Toutefois, le futur bailleur ne doit pas construire son projet de manière figée. Des mises à jour doivent être prévues dans le calendrier, ainsi que la faculté de solliciter des permis de construire modificatifs en concertation avec le locataire (en concertation avec son franchiseur).

5 – La durée du BEFA hôtelier et la délicate conciliation de la prise d’effet et du début d’exploitation du preneur

Le bailleur calcule son amortissement sur la durée du bail qu’il va fixer avec son preneur.

Le BEFA est conclu à la date de signature du contrat, ou à la date de réalisation de la ou des condition(s) suspensive(s) le cas échéant (comme par exemple l’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours).

Il est délicat de prévoir avec certitude la durée de réalisation des travaux et donc la date de prise d’effet du bail. Seule une durée de travaux prévisible peut être estimée dans le BEFA, avec le cas échéant des clauses de pénalité de retard si la livraison de l’hôtel ne se fait pas dans le calendrier contractuellement prévu par les parties. Donc, quand on fait référence à la durée du BEFA, il s’agit en fait de la durée du bail qui prend effet à l’achèvement de la construction de l’hôtel ou des travaux de rénovation.

En application de l’article L.145-4 du Code de Commerce, la durée du bail commercial ne peut être inférieure à 9 ans. Les parties peuvent également librement convenir d’une durée supérieure à 9 années. Un hôtel étant considéré comme un immeuble monovalent, les dérogations prévues par la loi Pinel en la matière sont applicables : il est donc notamment possible de prévoir que la durée du bail sera une durée ferme, sans possibilité pour le locataire d’y mettre fin à l’issue des périodes triennales.

S’il s’agit d’un bail civil, aucun texte législatif n’encadre la durée. Si le bail commercial ou civil est consenti pour une durée supérieure à 12 ans, il doit faire l’objet d’un enregistrement auprès des Services de la Publicité Foncière.

La négociation la plus délicate en matière de durée du BEFA va porter sur la détermination du point de départ de cette durée. En effet, le bailleur considère que le bail doit prendre effet dès que les travaux de construction/rénovation lourde de l’hôtel sont terminés et que les opérations de réception prévues par le droit de la construction ont été réalisées.

Cependant, l’hôtel n’est pas un commerce comme un autre : il s’agit d’un ERP (Etablissement Recevant du Public) d’un type particulier, et il ne peut pas être exploité tant que le preneur n’a pas obtenu des services administratifs une autorisation d’ouverture au public. Cette autorisation est délivrée sur avis de la Commission de Sécurité qui passera à l’issue des travaux pour s’assurer que l’immeuble hôtelier est conforme aux prescriptions légales et administratives notamment en termes de sécurité incendie et accueil des personnes à mobilité réduite.

Dès lors que le bailleur a l’obligation de délivrer au preneur un immeuble conforme à l’usage auquel il est destiné, le locataire va vouloir retarder la prise d’effet du bail à l’autorisation d’ouverture qui seule établit la conformité des locaux à une exploitation hôtelière. Or, la Commission de Sécurité peut rendre un avis négatif à l’ouverture au public aussi bien parce que les travaux mis en œuvre sous la responsabilité du bailleur présentent des défauts de conformité ou parce que les travaux d’aménagement dont le preneur est responsable ne sont pas satisfaisants. En outre, seul l’exploitant a qualité pour demander une autorisation d’ouverture au public et il ne peut le faire que s’il est déjà locataire.

Sur le point de départ du bail, les parties doivent donc parvenir à concilier leurs intérêts divergents :

  • le bailleur, qui a achevé les travaux qui lui incombaient, souhaite que le bail prenne effet immédiatement pour faire courir l’exigibilité du paiement du loyer le plus rapidement possible,
  • le locataire, qui ne veut pas être soumis aux obligations du bail, souhaite retarder sa prise d’effet, tant qu’il ne peut pas exploiter, au visa de l’autorisation administrative d’ouverture au public.

Cette négociation est souvent chronophage et constitue l’un des points durs des discussions entre bailleur, preneur et leurs conseils. Les obligations et responsabilités des parties sur cette question sensible doivent donc être négociées et encadrées avec précision lors de la rédaction du BEFA.

Notre article n’a pas l’ambition d’être exhaustif sur le sujet du BEFA hôtelier, tant les formes de BEFA peuvent différer les unes des autres selon le contexte, les montages juridico financiers abordés intégrant un CBI, un contrat de location-gérance, un mandat de gestion, … et le type et la gamme de l’hôtel.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue d’autres points contractuels qui peuvent apparaître de second ordre, mais qui restent délicats à négocier, qu’ils soient propres aux hôtels, voire techniques (comme la tolérance des surfaces de chambres), ou applicables de façon générale aux baux commerciaux (comme la répartition des charges et travaux, mises en conformité), qui ont des impacts significatifs compte tenu de la longue durée de la plupart des BEFA.

[1] Le taux d’effort est le rapport entre la charge de loyer et le CA de l’hôtel.

[2] Voir notre article sur les baux avec la loi Pinel dans l’édition 2017 des Tendances de l’Hôtellerie (pages 52 à 57)

[3] https://projet.inextenso-avocats.com/blog/lapre-negociation-des-garanties-dans-les-befa-hoteliers/

[4] En tout état de cause, la prise d’effet du BEFA est liée à l’autorisation d’ouverture au public de l’établissement relevant de la catégorie des ERP.

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